vendredi 17 mai 2013

Une société sans conflit est-elle possible ?


Une société sans conflit est-elle possible ?


Devoir sur table, 2h
Introduction et 1ère partie détaillées
Plan schématique pour le reste du devoir


Introduction

  La société nous offre régulièrement le spectacle de conflits : divorces difficiles, affrontements entre casseurs et forces de l’ordre, actions « coup de poing » pour réclamer un meilleur salaire ou défendre une usine, etc. Ces conflits consument l’énergie psychique des individus et menancent parfois l’ordre social. Qu’on les approuve ou pas, ils viennent perturber la vie individuelle et collective. Ne serait-il pas souhaitable de les éviter ? À titre individuel, nous pouvons estimer qu’une règle de prudence consiste à éviter les conflits, autant que les situations et les conséquences le permettent. Et si l’on doit les affronter, à les résoudre le plus rapidement possible.
 Le sujet : « Une société sans conflit est-elle possible ? » nous invite à questionner l’existence du conflit dans la société. Faut-il réaliser à tout prix une société harmonieuse, dans laquelle les individus et les groupes ne pourraient ou ne devraient jamais s’affronter ? Le devoir de s’entendre avec les autres sans admettre la moindre discordance, source potentielle de conflit, serait alors la morale sociale à laquelle tout individu devrait souscrire.
 Afin d’examiner ce problème, nous verrons dans un premier temps que l’existence d’une société plus harmonieuse représente un idéal parfaitement légitime. Mais le conflit peut-il être éliminé ? Nous verrons ensuite que dans la société réelle, le conflit peut perdre de sa violence, grâce à sa codification dans des formes institutionnelles. Enfin, nous soulignerons que l’effort pour supprimer le conflit dans la société représente un danger, dans la mesure où il peut conduire à l’oppression politique.


I. L’harmonie est un but légitime, que toute société doit poursuivre pour rendre meilleure la condition de ses membres.

  Parmi les raisons d’être de la société, la réduction des conflits entre individus ou entre groupes figure en bonne place.
Si nous observons la société autour de nous, nous pouvons noter que la réduction des conflits explique l’existence de règles sociales. Ainsi, la politesse veut qu’un élève laisse passer un professeur dans le couloir, afin d’éviter qu’ils ne se percutent en marchant. C’est ce que souligne Pascal au sujet de la politesse : c’est une manière de « couvrir le moi », comprenez de réduire les prétentions égoïstes et égocentriques des individus. Chacun a tendance à se faire le centre du monde, et à vouloir que les autres s’arrêtent pour l’admirer, ou s’incliner devant lui. La politesse doit consister en règles simples et en signes visibles, souligne encore Pascal : si un noble a quatre valais, il doit passer devant celui qui n’en a qu’un seul. Cela ne veut pas dire qu’il soit plus intelligent en mathématiques, ou plus courageux à la guerre. Mais si l’on se fondait sur le critère des qualités personnelles, ce serait une occasion infinie de disputes…
 Si nous pensons à l’éducation, au sens courant du terme, nous voyons qu’un individu sans éducation exprime haut et fort les désirs qui lui passent par la tête, et qu’il sera prompt à entrer en conflit avec autrui lorsque ses moindres volontés ne sont pas exécutées immédiatement. Pour un individu non éduqué, tout est source de conflit. L’éducation remplit une mission fondamentale, qui est d’intégrer les individus à la société : cela veut dire que l’individu doit apprendre à se conformer à des règles collectives.

b) La réduction des conflits améliore la vie des individus.

 Les conflits sont lourds de dangers pour la vie des individus, voire pour la société elle-même. Ainsi, Machiavel rappelle que l’histoire de Rome a été marquée par des divisions internes très graves entre le peuple et les nobles. Il s’appuie sur les récits de l’historien Tite-Live pour rappeler que la plèbe, s’estimant flouée par les nobles, fait sécession sur le Mont Sacré en - 493. La noblesse romaine est inquiète des conséquences : et si un peuple voisin déclenchait une attaque ? Les nobles acceptent alors de faire des concessions à la plèbe, concessions traduites dans des pactes ou des lois. En revanche, souligne Machiavel, les divisions entre le peuple et les nobles ont été si graves à Florence qu’elles ont conduit plusieurs fois la cité à la ruine. La guerre civile entre Guelfes et Gibelins, par exemple, s’est traduite par la persécution, la ruine ou l’exil de nombreuses familles appartenant à l’un des deux camps.

 Qu’est-ce qu’être un bon citoyen, sinon faire en sorte que son comportement ne crée pas sans cesse de conflit, mais soit le plus utile possible aux autres ? Qu’est-ce qu’être un bon gouvernant, sinon empêcher que les conflits ne mettent en péril la cohésion et le dynamisme de la société ? C’est ce que souligne Platon dans la République : dans une cité bien organisée, chacun fait ce qu’il sait faire, et n’empiète pas sur l’activité des autres. Ainsi, les individus et les groupes n’entrent pas en conflit. La cité doit rechercher l’unité pour fonctionner le mieux possible. Si les poètes, par exemple, attisent les passions et font naître de fausses représentations dans l’esprit des citoyens, alors il vaut mieux les expulser de la cité.


c) La prévention des conflits rend nécessaires des institutions, qui donnent à la société sa forme propre.

 Le droit est une création de la société, destinée à réduire la violence des conflits. Selon Emmanuel Kant, le droit a pour objet spécifique l'accord des libertés individuelles entre elles. Il ne s’agit certes pas de faire s’accorder les intentions, les opinions ou les intérêts, qui peuvent être toujours divergents, mais de leur donner une règle de coexistence. Le principe du droit est le suivant : « agis extérieurement de telle sorte que le libre usage de ton arbitre puisse coexister avec la liberté de tout un chacun suivant une loi universelle ». Le droit permet à la liberté des uns d’exister en même temps que celle des autres.

 De même, l’action politique est en grande partie motivée par la nécessité de prévenir les conflits. Chez Hobbes, les hommes s’affrontent à l’état de nature dans une « guerre de tous contre tous ». Ils se disputent les ressources disponibles, auxquelles chacun estime avoir droit. La guerre plonge les hommes dans un état de misère complète. Pour échapper à la peur, les hommes peuvent renoncer à leurs droits naturels sur toute chose et confier le pouvoir d’édicter des règles à un « Léviathan », préfiguration de l’État moderne. Le pouvoir politique dispose du pouvoir de contraindre les individus, c’est-à-dire d’assurer par les lois ou la force l’unité du corps politique.


II. Le conflit ne disparaît jamais d’une société réelle.

a)     Le droit met en place des règles qui font échapper le conflit au pur rapport de forces.
b)    C’est la violence concrète de l’affrontement qui est éliminée, pas le conflit lui-même.
c)     La divergence des intérêts et des opinions, constitutive d’une société, rend impossible la disparition du conflit à l’intérieur d’une société.

III. La recherche de l’harmonie parfaite représente un risque pour la société.

a)     La divergence, source potentielle de conflit, ne serait plus tolérée : ce serait alors la Terreur.
b)    Un pouvoir politique qui ferait régner l’ordre et l’unité à tout prix serait un pouvoir de nature totalitaire.
c)     La société civile doit accorder la priorité à d’autres valeurs plus essentielles que l’harmonie, comme la liberté.


Conclusion

Il est dangereux de rêver d’une vie ou d’une société sans conflit. Ne serait-ce pas le signe que l’on serait incapable d’affronter le conflit ? Accepter le conflit ne veut pas dire uniquement affronter autrui dans la violence. C’est aussi être capable d’examiner les causes du différend, afin de maximiser les chances que nous avons de trouver une solution acceptables des deux côtés. Sans doute le rôle du politique est-il d’accepter le conflit, au lieu de chercher à le nier, et d’encourager sa résolution pacifique. C’est la solution qu’a trouvée la démocratie, à travers l’affrontement organisé des opinions divergentes.

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