(manuel J. Russ, texte p. 111)
L’homme est l’animal sociable au plus haut degré, il est fait pour vivre en
communauté. Il s’agit bien d’un « animal » : Aristote pense que la
communauté politique poursuit une fin inscrite dans la nature.
Comment
connaissons-nous la fin que la nature assigne à l’homme ?
Nous pouvons la
connaître : c’est le pari philosophique d’Aristote.
Tout d’abord,
l’homme a naturellement l’usage de la parole. Aristote distingue entre la
parole et la voix.
« Seul, entre les animaux, l’homme a
l’usage de la parole ; la voix est le signe de la douleur et du plaisir,
et c’est pour cela qu’elle a été donnée aussi aux autres animaux. »
La parole ne fait
pas qu’exprimer le plaisir et la peine, le fait que l’on désire ou que l’on
déteste. La parole peut faire comprendre aux autres l’utile et le nuisible, et
par conséquent aussi, souligne Aristote, le juste et l’injuste.
C’est ce qui prouve
que l’homme est plus sociable que les animaux comme les abeilles ou les
fourmis : nous pouvons parler entre nous de ce qui est juste ou injuste,
et prendre des décisions en matière morale et politique.
« C’est ce qui
distingue l’homme d’une manière spéciale, c’est qu’il perçoit le bien et le
mal, le juste et l’injuste (…) ».
Arrêtons-nous un
instant sur la différence de l’homme par rapport aux animaux. Aristote
développe ici la notion d’un « propre de l’homme », ce que l’homme a
en propre, ce qui le distingue de tous les autres vivants.
Le propre de
l’homme, c’est donc d’avoir une parole qui ne soit pas seulement expressive
(« j’ai chaud », « j’ai froid », etc.), immédiate et
subjective, mais qui porte un jugement compréhensible par autrui. Je suis humain lorsque je parle, encore plus humain lorsque je me fais comprendre par autrui, encore plus humain quand autrui approuve ce que je dis.
En grec, logos, que l’on peut traduire par la parole, désigne aussi la raison. La
raison humaine est ce qui rend possible la vie en commun.
Pour Aristote, la
parole est politique, au sens où elle permet à l’homme de vivre en société.
Là où nous sommes
le plus humain, c’est quand nous pouvons exprimer le bien et le mal, le juste
et le juste, et le communiquer aux autres par la parole. Nous pouvons alors
nous mettre d’accord pour coopérer.
Pour Aristote, la formation des communautés
politiques est naturelle. Ce qui n’est pas
naturel, ce serait de s’isoler pour vivre seul, comme le fait par exemple le
réalisateur Sean Penn dans Into the Wild (2008).
Peu de temps avant de mourir, Christopher
McCandless écrit :
« Happiness only real when
shared. »
En forçant un peu le trait, on pourrait dire
que ce qui n’est pas naturel pour l’homme, c’est le retour à la nature.
Alone in Alaska
Pour Aristote, le village, le bourg ou la ville n’est donc pas un artifice. C’est la destination naturelle de l’homme. Vivre en société est quelque chose de naturel pour nous. Nous nous développons en société conformément à ce que veut la nature pour l’homme.
Peut-on penser
l’homme en dehors de la société ? Aristote cite Homère, se référant à la
sagesse populaire grecque. Peut-on rêver d’un homme qui se suffirait à
lui-même ? Ce serait un dieu, et non un homme.
Celui qui se suffit
à lui-même, dit un peu plus loin Aristote, « n'est en rien une partie
d'une cité, si bien que c’est soit une bête, soit un dieu ».
L'homme n'est ni un simple animal, ni un dieu. C'est un animal qui dispose de la parole et de la raison pour vivre et s'épanouir en société.
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