mardi 4 décembre 2012

l'art : Nietzsche


Nietzsche : "L'art doit avant tout embellir la vie (...)."


texte

L’art doit avant tout embellir la vie, donc nous rendre nous-mêmes tolérables aux autres et agréables si  possible : ayant cette tâche en vue, il modère et nous tient en brides, crée des formes de civilité, lie ceux dont l’éducation n’est pas faite à des lois de convenance, de propreté, de politesse, leur apprend à parler et à se taire au bon moment.

De plus, l’art doit dissimuler ou réinterpréter tout ce qui est laid, ces choses pénibles, épouvantables et dégoûtantes qui, malgré tout les efforts, à cause des origines de la nature humaine, viendront toujours de nouveau à la surface : il doit agir ainsi surtout pour ce qui en est des passions, des douleurs de l’âme et des craintes, et faire transparaître, dans la laideur inévitable ou insurmontable, son côté significatif.

Après cette tâche de l’art, dont la grandeur va jusqu’à l’énormité, l’art que l’on appelle véritable, l’art des œuvres d’art, n’est qu’accessoire. L’homme qui sent en lui un excédent de ces forces qui embellissent, cachent, transforment, finira par chercher, à s’alléger de cet excédent par l’œuvre d’art ; dans certaines circonstances, c’est tout un peuple qui agira ainsi.

 Mais on a l’habitude, aujourd’hui, de commencer l’art par la fin ; on se suspend à sa queue, avec l’idée que l’art des oeuvres d’art est le principal et que c’est en partant de cet art que la vie doit être améliorée et transformée. Fous que nous sommes !  Si nous commençons le repas par le dessert, goûtant à un plat sucré après l’autre, quoi d’étonnant su nous nous gâtons l’estomac et même l’appétit pour le bon festin, fortifiant et nourrissant , à quoi l’art nous convie. 


Friedrich Nietzsche,  Humain, trop humain

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Friedrich Nietzsche (1844 - 1900) fut aussi poète et compositeur. On écoutera la Méditation de Manfred (1872),  L'Hymne à l'amitié (1874), une Ode à la musique, ou encore la Prière à la vie (1882), sur un poème de Lou von Salomé.

"Das zerbrochene Ringlein", interprété par Fischer-Dieskau

Les germanistes liront le très bon article sur Nietzsche en allemand, sur Wikipedia Deutschland. On ne peut pas dire, hélas, que l'article en français soit à la hauteur pour le moment.


Nietzsche publie La Naissance de la Tragédie (1872) à l'âge de vingt-sept ans. Trois ans plus tôt, il a été nommé Professeur de philologie à l'Université de Bâle. Deux forces opposées animent la création artistique, le dionysiaque et l'apollinien. Nietzsche les pense unies à l'origine, dans la tragédie grecque antique. Le raffinement de la culture sous l'effet de la civilisation va faire perdre aux Grecs le sens de la tragédie. Socrate est ainsi l'expression du triomphe de la rationalité et de la morale, qui correspondent à un affaiblissement de la vie. L'ouvrage est dédié à Richard Wagner, que le jeune Nietzsche admire à l'époque sans réserve.
C'est à partir de la musique que la tragédie antique se développe, comme l'indique le titre de l'ouvrage, La Naissance de la Tragédie à partir de l'esprit de la musique. Nietzsche emprunte ici à Schopenhauer, son maître en philosophie, l'idée que la musique exprime l'affirmation absolue de la vie. La tragédie grecque est née des chants en l'honneur de Dionysos, soumis au rythme du choeur apollinien.
Avec le dramaturge Euripide, qui marque l'avènement de la tragédie grecque classique, les Grecs oublient leur pessimisme originel. L'horreur devant le fait d'être né, et devant les douleurs du monde, est écartée au profit d'une attitude optimiste. Les Grecs sont désormais en quête d'un idéal humain, accessible grâce à la culture de leurs facultés intellectuelles et morales, dont la philosophie fait partie. Ils sont maîtres de leur organisation politique, grâce à la démocratie. La tragédie d'Euripide fait adopter au spectateur une attitude critique. Chacun doit se fier désormais à son jugement, et analyser des caractères ou des idées, plutôt que les ressentir.







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